Henri, poète
Henri, l’homme multiple .
Nous connaissions tous l’artiste, le peintre, le graveur, le sculpteur.
Avec des textes datés de 1962 à 1979, nous avons découvert le poète .
Nul ne doutait des talents d’écriture d’Henri quand il agrémentait les cartes de vœux de quelques mots doux et tendres comme une caresse .
Aujourd’hui vous allez pénétrer, grâce à une sélection de poèmes - si difficile à faire- dans l’univers d’un très jeune homme écorché, s’interrogeant sur lui-même et sur le monde, univers où apparait l’engagement total du poète, puis dans l’environnement un peu apaisé du jeune adulte, univers réel ou onirique des poèmes plus récents dans lequel la femme, la nature, les fleurs et mille autres personnages suscitent la même émotion que nous ressentons devant ses gravures .
Les mots seraient-ils encore plus forts que les images ?
Henri a écrit :
« la poésie m’aura appris à vivre et à aimer cette vie tragique et fragile . »
Peut-être que lire ses poèmes , nous, et vous aidera –t-il à sortir de notre mélancolie.
Merci Henri, pour tout ! « le poète veut se défendre de l’oubli »…....nous ne t’oublierons pas.
Françoise MATHE - avril 2012
Nous vous présentons un petit extrait de l'anthologie des poèmes de l'artiste Henri Jean.
Si vous souhaitez en lire de nouveaux, inscrivez-vous et rendez vous sur l'espace membre, vous trouverez des poèmes écrient par l'artiste et disponible en lecture.
Bonne lecture
Ce jour là la terre était gelée chez les avaleurs de couleuvres.
Ce jour là la terre était gelée chez les avaleurs de couleuvres.
Les médecins avec la complicité de politiques avaient décidé de bannir la mort.
Alors les syndicats des croquent morts, des fleuristes, de tous ceux dont l'activité était menacée par cette mesure s'apprêtaient à manifester violemment pour la défense de leur emploi.
********
Le temps fait ce qu’il veut
Mais que veut le temps ?
Il fait sortir les poissons de la mer
Y retourner les mammifères
Transforme le loup en baleine
Le chien en sirène
Il fait se sauver les galaxies
S’enfuir les étoiles, disparaître la lumière
S’embraser les pierres
Le temps fait ce qu’il veut
Mais que veut le temps ?
2
Je ne fais que passer disait le temps
à ceux qui désiraient le retenir.
Je ne fais que passer
c’est ma manière d’être
mais je suis toujours lÃ
même si je passe.
Je n’ai pas de temps mort
dans ma façon de passer.
Je passe et passerai toujours.
​ 3
Tu te souviens de la mer
Et de l’écaille
Tu es poisson
Tu te souviens de la terre
Et du ciel
De l’eau, du feu
De la fourrure
Et tu te souviens des feuilles
Et de la nuit
Tu es arbres
Tu te souviens de la musique
Et de la plume
Tu es oiseau
Tu as tout oublié
Tu te souviens de tout.
​ 4
Toi qui es parti
Dans la lumière des étoiles
N’as-tu pas quelquefois
la nostalgie
de la douceur des feuilles
et de la fourrure des chats
​ 5
Cela doit bien faire mille ans
Et mille fois mille ans
Que cet arbre a fait ses feuilles
De ses feuilles et de mes cendres
​ 6
Patience
Pactise avec la mort
​ 7
Qui console celui qui doit consoler ?
Un excès de silence
Et ça murmure
​ ****
Un point fixe ?
-une étoile…
Dessiner les cartes
​ ****
Le vertige
L’inconnu
Le mystère
C’est ici
​ ****
L’arbre fait son silence
La maison d’algues et de lierre
A l’abri des chardons bleus
Sent l’herbe
Le feu
La lavande et les abeilles
Les oiseaux y brodent l’espace
Pour l’animal d’eau douce de tes yeux
​ ****
Tâter l’ombre
Goûter la nuit
Où brûle l’ortie
Où console la cigüe
​ ****
Terre touffue des nuits blanches
Garder le feu
Garder les rires
Garder la neige
et le froid
les étincelles
Garder la pluie
Garder la mer
Tout garder
Et garder l’enfant
​ ****
Ephémère éternité…
Le scintillement des oiseaux… …
​ ****
Pour mourir
Une petite pluie
Des poissons bleus
Dans la tête
​ ****
Une âme a-t-elle une couleur ?
Se mouille-t-elle quand il pleut ?
Et que lui vaut la lumière
Les heures de plein soleil ?
​ ****
S’il vous plait
Réveillez celui qui dort
La terre est trop noire
Trop profonde
​ ****
Tu es perdu
Dans ma mémoire
Je ne sais pas
où tu es
Dans les murmures peut-être
Du vent
Qui tisse ses chevelures
Tu es parti peut-être
Vers une étoile lointaine
​ ****
La vie bat les cartes
La mort fait tinter les clefs
​ ****
Jamais je crois
Je ne serai assis
Dans un grand champ
D’étoiles et de fleurs
Jamais je crois
Je ne volerai
Porté par deux grandes ailes bleues
Dans l’espace immense
Et jamais je crois
Je ne te reverrai
C’est ce qui me déchire le plus
​ ****
Chercher l’image
Dans l’ombre
Dans la nuit
****
Qu’elle griffe ou caresse
Qu’elle grave ou dessine
Toujours la main
Est gantée de nuit
****
Quand passe le temps
Alors vient le temps
Des orages
Des colères sourdes
De l’âme blessée
Comme la mer violette
Henri Jean - ensemble de poème de 1957 à 1978