CE que nous étions, ce que nous sommes, ce que nous resterons. La place de chacun,... dans tout ce qui a été fait, la création, la construction de notre atelier, nos rêves, nos positions philosophiques ou politiques, nos regards, nos choix, nous partagions TOUT. Si par commodité nous dations notre collaboration aux années 80, c’est parce que c’est vers ces années-là que pour Henri, signer tout seul ne correspondait plus à la réalité. Depuis quelque temps déjà, ma participation avait modifié à ses yeux le résultat de ses œuvres et il ne les reconnaissait pas comme étant de lui seul, et il se devait d’en partager la paternité. SIGNER A DEUX ETAIT POUR BEAUCOUP DIFFICILE A ENVISAGER, PAS USUEL, TELLEMENT L’EGO DE L’ARTISTE SE PORTAIT ET SE PORTE TOUJOURS BIEN, Le temps passé, la somme d’efforts, de travail, d’idées, la somme d’émotions partagées, de défis techniques,les moments passés à nous creuser la tête pour analyser un défaut, résoudre un problème, l’enthousiasme,la satisfaction, le plaisir d’aller au bout d’un projet... ayant fait tant de détours que nous ne savions plus d’où l’idée était partie... tant la paternité unique s’était diluée dans le va et vient de nos échanges. Tout était ouvert pour aller plus loin et mieux, et peu importait qui allait tracer les lignes, composer,trouver le mélange de couleurs, y mettre son savoir-faire, ou trouver la nouvelle façon pour servir l’image... ....Dans notre collaboration il n’y avait jamais de concurrence. Ce volontarisme égalitaire nous l’assumions cela faisait aussi partie de notre engagement politique, notre façon de concevoir le monde. Rien n’est jamais acquis tout est à remettre sur le métier tous les jours. Nous étions partenaires à part entière,(la tête, le cœur et les mains indissociables) nous étions des co-auteurs et j’en suis fière car ce ne fut que du bonheur. 42 ans de bonheur et de partage avec un être qui n’a jamais accepté la coupure homme /femme avec une supériorité de l’un sur l’autre... ..... Je l’ai tellement vu agacé de devoir expliquer CE QUI NE S’EXPLIQUAIT PAS. Il finissait par dire « c’est comme ça ». Découper, détailler ce qui faisait notre quotidien, ces moments de création intense où ça fusait, ces essais faits pour rien, juste pour voir mais qui nous permettaient d’aller plus loin, ses envies, ses rêves, mes envies, mes rêves, mêlés, qui lorsqu’ils étaient aboutis lui faisaient dresser les poils tant l’émotion était vive, moments intenses, les expliquer c’étaient les REDUIRE. Comment traduire un état d’esprit, un état d’âme, ces instants précieux où on est presque l’autre, cette communion où même les mots sont en trop, juste se laisser aller à l’émotion partagée. .... Ce rapport homme/femme, conditionné par des us et coutumes d’un autre âge, persiste encore. Pourquoi y avons-nous échappé. Nous n’étions pas un homme et une femme conditionnés, nous étions deux ETRES égaux. « Pour moi c’était évident, j’avais fui le machisme du Chili de l’époque, mais toi Henri, j’ai l’impression que tu portais en toi depuis ta naissance ou ton enfance, le refus de cette coupure » : FAIBLESSE /FORCE = dépendance= poids=culpabilité=chantage. Tout sauf liberté. L’égalité c’est la liberté, la légèreté, rien ne vient s’interposer entre deux êtres libres qui s’assument en tant que tels. Ce n’est pas l’indifférence, ni l’égoïsme, ce n’est pas une charge, ni un faux-fuyant, c’est la responsabilité des choix acceptés en conscience. Et cette conception du couple valait aussi pour tout ce qui nous entourait, au lieu de nous enfermer, elle nous ouvrait au monde, au monde vivant, aux êtres d’où qu’ils soient et où qu’ils soient. Simone le 14 mai 2012